8 avril 2025
J’aime me perdre. Pas en conjectures ou dans les lieux de perdition. Plutôt dans les villes et même dans la nature. C’est une sensation d’autant plus agréable qu’elle ne dure jamais assez pour devenir inquiétante. Il est probable que, seul au fond de la forêt vierge ou au milieu du désert, j’apprécierais nettement moins d’être paumé. Mais je ne m’aventure pas si loin me contentant, comme il y a quelques jours de revisiter Marseille et Avignon. Les rues tortueuses du Panier comme les venelles moyenâgeuses des abords du Palais des Papes m’ont permis de retrouver avec plaisir ce sentiment d’égarement si propice à la découverte. Et pourtant, ce parfum légèrement épicé d’aventures citadines m’a quelque peu irrité dimanche dernier dans le quartier de mon enfance. Venu en voiture dans la capitale pour ramener à ses parents la huitième merveille du monde dont je vous ai tressé hier l’élégie, je voulais rejoindre un ami qui habite dans ce treizième arrondissement où nous habitâmes du temps de notre jeunesse. Laquelle s’éloigne non seulement inexorablement mais aussi géographiquement comme j’ai pu le constater à cette occasion. Car en prenant un chemin connu depuis toujours pour atteindre mon objectif, je me suis retrouvé dans un labyrinthe de sens interdits, de rues barrées et autres voies réservées à la circulation pédestre ou vélocipédique, revenant sans cesse au même endroit par des boucles semblant sans fin ni issues. La seule expérience similaire dont je me souviens est la Médina de Marrakech dont la configuration avait profondément perturbé mon sens de l’orientation. Mais autant j’avais apprécié cette perte de sens en parcourant le dédale marocain à pied, autant j’ai été irrité par les complications parisiennes au volant. Le sentencieux qui réside au fond de ma conscience n’a pas manqué de me faire remarquer que cela m’apprendra à entrer en automobile dans cette ville hostile aux vils véhicules. C’était un cas de force majeure a répliqué mon boomer intérieur. Après tout, a conclu le philosophe, je prends les transports en commun lorsque je sors en famille pour aller au spectacle. Et je rentre en VTC. Ce qui a réveillé ma conscience politique qui m’a rappelé qu’il serait temps de substituer mon prestataire américain par un acteur européen moins susceptible d’être complice – même passif — de la folie qui a saisi l’Amérique. J’ai fini par faire taire cette assemblée imaginaire de peur de perdre à mon tour la raison. Ai-je eu tort ?