17 janvier 2025
Lui ai-je parlé ? Je ne m’en souviens plus. C’est moche de vieillir mais c’est quand même mieux que mourir. N’empêche que je ne suis pas vraiment sûr d’avoir croisé l’un des fameux disparus de la semaine. Oliviero Toscani, le créatif provocateur des années 90. En apprenant son décès, je me suis souvenu d’une rencontre dans les locaux parisiens qu’occupait « La Fabrica », l’espèce d’agence de communication de Benetton. Je l’ai vu à cette occasion mais je ne suis pas sûr d’avoir eu l’occasion de lui adresser la parole. Qu’est-ce que cela peut bien faire, allez-vous me dire ? Mais beaucoup, chers amis des réseaux sociaux. Car comme vous, je m’empresse de vérifier si j’ai une photo sur laquelle je figure aux côtés du disparu du jour. Ou à défaut du souvenir d’un échange brillant avec celui que nous pleurons. Et si ma mémoire défaille, alors je reste coi, préférant le silence à l’erreur. Définitivement vieux jeu et j’assume. Bon, de toute façon, même si je lui ai parlé, ça ne devait pas être mémorable contrairement à ses campagnes qui ont choqué à cette époque où la pub pouvait encore faire débat. Si les plus jeunes d’entre vous ne connaissent pas, allez voir, ces affiches ont vieilli mais elles interpellent encore. Pas autant que les films de David Lynch qui, lui aussi est parti de l’autre côté du rideau rouge, certainement au rythme d’une musique lancinante sur laquelle dansait un nain au langage inversé. Lui, je ne lui ai pas parlé, je ne l’ai jamais rencontré j’en suis sûr, mais il a nourri mon imagination des délires de la sienne. Comme tout le monde, je n’ai pas tout compris à ses films à tiroirs infinis, mais c’est justement pour cela que je les chéris. Car ce sont les rares que je peux voir et revoir pour à chaque fois trouver d’autres histoires, d’autres explications, aussi improbables que les précédentes. Là résidait le génie de Lynch, à l’image de ce géant qui réveille l’agent Dale Cooper pour l’avertir de mystérieux dangers. Il reste peu de DVD dans ma bibliothèque mais il en est un dont la couverture est exposée tel une icône : Mulholland Drive. Une route que je n’ai jamais empruntée dont j’ai appris récemment qu’elle devait son nom à l’ingénieur qui a amené l’eau à Los Angeles. Une semaine bien noire, décidément.