J’ai toujours eu une relation ambiguë avec les anniversaires. Quand tu es gamin c’est bien sûr un moment magique que tu attends avec impatience. Puis, insensiblement, l’envie de scander ce passage s’estompe d’autant plus fortement que le sablier se vide de plus en plus vite. Qu’il s’agisse du mien ou de ceux de mes proches, ces moments sont certes agréables mais ils me laissent au fond, un sentiment partagé. Et je préfère ne rien dire des fêtes surprises qui me semblent heureusement passées de mode et pour lesquelles j’ai une aversion toute particulière. On ne m’en a jamais préparé mais pour avoir participé à quelques-uns, j’ai toujours un fond de compassion pour celui ou celle qui rentre à la maison en s’attendant naïvement à passer une petite soirée cool et qui se retrouve soudainement face à 50 personnes hilares. Le pire cependant, c’est l’oubli. La date qui passe en silence. C’est terriblement vexant pour toutes les parties concernées surtout en ces temps où les réseaux sociaux sont, en plus de leurs défauts et qualités, d’implacables éphémérides. Cependant les plus distraits ne pourraient ignorer celui que nous célébrons aujourd’hui, tant les médias nous y préparent depuis quelques jours. Si j’entre dans ce sujet délicat par mon rapport à ce genre d’événement, c’est simplement parce que ce soir-là, je célébrais le demi-siècle d’un confrère. Inutile de rentrer dans les détails de cette soirée, elle fait partie de ces instants collectifs qui nous ont laissé à tous un souvenir indélébile. Les détours de la vie m’ont fait perdre de vue cet ami mais je pense à lui chaque année en me disant que les assassins lui avaient aussi définitivement gâché cette date. Un bien moindre mal en regard de l’horreur perpétrée par la bêtise abjecte. Car au-delà des morts, des vies brisées à jamais, c’est cette idéologie stupide et meurtrière qui continue à me révolter dix ans après. Cette lâcheté aussi, celle qui consiste à se faire tuer plutôt que d’assumer. Ce qui oppose fondamentalement ces criminels aux résistants, aux combattants de la liberté, qui se sacrifient pour les autres au nom d’un idéal. Ceux-là méritent d’être honorés régulièrement pour nous avoir permis d’être ce que nous sommes et de pouvoir le dire, quitte à ne pas être d’accord entre nous. Ceux – vivants ou morts, fuyards ou condamnés – qui ont pourri à jamais la date que nous vivons aujourd’hui, tout comme ceux qui ont détruit à jamais celle du 7 octobre et bien d’autres, ne méritent que notre mépris et celui de nos descendants. Pour l’éternité.

Written by
Frédéric Roy
Ancien directeur de la rédaction de CB News disposant de beaucoup de temps après avoir longtemps couru derrière. J'écris tous les jours pour mon plaisir et, autant que possible, pour le vôtre.