11 décembre 2024
Parfois je sors de chez moi. Poussé par la faim, la curiosité ou simplement le devoir, je prends mon courage à deux mains et affronte la grisaille humide et froide. J’exagère à peine. Cela me donne une raison supplémentaire d’apprécier ma condition de retraité, d’autant que je crois comprendre à la lecture des informations – il faut bien s’occuper quand on est à l’intérieur – que le principe du télétravail, érigé en nouveau modèle de société au sortir des confinements, est profondément remis en cause. L’inénarrable M. Musk qui s’emploie à l’éradiquer dans ses propres entreprises a promis de faire de même avec les fonctionnaires fédéraux américains. Mais il n’est pas besoin d’aller si loin pour trouver des exemples de ce reflux comme ces derniers temps chez Free ou Ubisoft. Difficile d’avoir un jugement tranché sur cette tendance, si ce n’est qu’elle correspond à la vision majoritaire des chefs d’entreprise qui aiment voir leurs salariés au travail. Je l’ai expérimenté pendant les 12 ans où j’ai dirigé CB News. Pour des raisons aussi pratiques que logiques, le télétravail y a toujours été la règle. Pratique, parce que l’équipe était éparpillée dans toute la région parisienne et même de l’autre côté des Pyrénées. Logique, parce que nous n’étions que fort peu nombreux pour une masse de travail considérable et qu’il me paraissait plus efficace de consacrer son temps à enquêter, écrire ou produire, plutôt qu’à se déplacer dans les transports en commun. Il n’y avait aucune règle de présence, la seule qui prévalait était de faire son boulot et il n’est jamais arrivé que quiconque s’y dérobe. Mais la vie du journal a été mouvementée au point que trois propriétaires se sont succédé. Et chacun d’entre eux, quelque temps après avoir pris possession des lieux, s’étonnait en arrivant dans les locaux, de ne pas voir bosser les gens qu’il payait. Ce qui m’obligeait à expliquer sans toujours entamer le scepticisme. Mais le bon sens finissait toujours par l’emporter et nous avons réussi de grandes choses en restant chez nous. D’ailleurs, je ne suis pas le seul à le croire. Hier, alors que je m’étais extrait de mon cocon, je me suis arrêté au feu rouge derrière une fourgonnette sur laquelle était écrit : « Patrick L, praticien en hypnose, téléconsultation sur rendez-vous ». J’ai noté le numéro de téléphone pour ceux d’entre vous qui seraient intéressés. Parce que là, c’est moi qui suis sceptique. On ne m’endormira pas à distance. N’est-ce pas ?