11 avril 2024
Ce soir je vais assister à un concert. Vous êtes contents, n’est-ce pas ? Moi aussi. C’est un grand bluesman américain qui nous fait le plaisir – et l’honneur – de passer par Paris au cours de sa tournée mondiale. Laquelle, il me semble, ne passera pas par Grozny. L’équipement en salles de concert de la capitale de la Tchétchénie n’est pas en cause pas plus que des risques sécuritaires. Non, comme vous le savez peut-être, depuis quelques jours, Ramzan Kadyrov, le chef de la République de Tchétchénie, a décidé que seules « les compositions musicales, vocales et chorégraphiques à un tempo allant de 80 à 116 battements par minute » seraient autorisées. La raison invoquée est de transmettre « au peuple et aux enfants l’avenir de l’héritage culturel du peuple tchétchène ». En réalité, c’est sa ministre de la Culture qui a annoncé cette stupéfiante nouvelle, mais nul doute que ce dictateur au visage poupin – vous avez remarqué que c’est souvent le cas ? – quoique couvert d’une longue barbe en est l’instigateur. La première fois que j’ai vu cette nouvelle sur un réseau social, j’ai cru à une fake news tellement elle me semblait absurde. Cela m’a rappelé un vieux film de Woody Allen, Bananas, dans lequel le héros, arrivé au pouvoir dans une république bananière (évidemment), prend pour première mesure l’obligation de porter les sous-vêtements par-dessus les vêtements pour vérifier plus facilement leur propreté. Dans ce film, Woody Allen porte lui aussi une grande barbe rousse mais, à la différence du satrape de Grozny, lui faisait rire tandis que l’autre ne le fera jamais. Quand la folie nationaliste mène à réglementer le rythme de la musique, il n’y a plus rien à espérer. Ce n’est certes guère surprenant de la part d’un type qui a été installé par celui qui cherche à mettre à genoux l’Ukraine avec les mêmes objectifs « culturels ». Je m’énerve mais ça ira mieux ce soir. Même les idiots savent que la musique adoucit l’humeur. Surtout le blues.