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Position papale

22 avril 2025

Très peu de gens sont au courant mais je crois que le temps est venu de porter cette information à la face du monde. J’ai toujours rêvé d’être pape. J’emploie à dessein le terme « rêvé » plutôt que celui de « voulu » étant donné que je ne réunis aucune des conditions nécessaires pour avoir le moindre espoir de m’installer sur le trône de Saint-Pierre. À commencer par le fait que je suis rigoureusement et profondément athée. Et puis, même si je ne l’étais pas, je ne suis pas baptisé sans oublier, pour ne rien arranger, que je suis juif. Mais qui ne rêve point ne va pas bien loin, selon le proverbe inventé à l’instant. Aussi depuis ma plus tendre enfance ou presque, m’imaginais-je habitant au Vatican, présidant des cérémonies grandioses et roulant en papamobile. Cette chimère aurait pu s’envoler en fumée comme bien des rêves d’enfant mais elle fut au contraire ravivée lorsque j’eus la chance de visiter les appartements privés du saint-père, ou plus exactement la partie non publique du palais papal. Autrement dit, je n’ai pas vu sa chambre à coucher mais sa chapelle et quelques autres sublimes salons enluminés par des fresques de Raphaël et des sculptures du Bernin. Mais surtout, la visite se terminait par une salle dont je peine à retrouver le nom sur Wikipédia et qui donnait sur la place Saint Pierre. J’ai donc pu apercevoir le balcon d’où était donnée la bénédiction en des temps anciens. Autant vous dire que j’y étais presque. Je n’ai naturellement pas eu l’autorisation de sortir sur ladite terrasse mais la vue absolument unique qui se dévoilait devant moi suffisait à mon bonheur. Au moins avais-je touché du doigt cet enfantin fantasme. Au-delà de mes handicaps pour le poste, aurai-je fait un bon pape ? Je n’aurais pas l’orgueil de répondre mais j’avais quelques projets qui auraient secoué la curie, dont un concert des Who sur la place Saint-Pierre. Et bien sûr, j’aurais organisé le Grand Prix de Formule 1 du Vatican dont j’aurais donné le départ non sans avoir auparavant béni la sainte pole position. Le temps venant et avec lui une forme de sagesse – on ne rit pas dans le fond – et bien que je me rapproche de l’âge requis, j’ai fini par ranger ces illusions sur les rayons encombrés des billevesées juvéniles. Malgré mes chaussettes rouges de cardinal, je ne me présenterai donc pas au prochain conclave. L’époque est trop grave pour laisser les responsabilités à des clowns incompétents. Non ?