J’ai une faiblesse coupable. D’accord, un peu plus d’une, mais pour gagner du temps, je ne vais m’attarder que sur ma passion pour les ailes de poulet précuites. C’est mal, je le sais. Mais il se trouve que je suis tombé un jour sous le charme de ce goût légèrement fadasse, un peu salé qu’une pointe de mayonnaise suffit à raviver. Et que dire de la texture quelque peu élastique et pourtant si savoureuse. C’est un vice, je l’ai instantanément compris. D’ailleurs après une première période d’accoutumance, voire de dépendance, j’ai réussi, au prix d’un formidable travail sur moi-même, à me sevrer. J’organisais mon parcours au supermarché de telle manière qu’il m’évite de passer devant ceux que j’appelle avec la même tendresse que celle de leur chair, les petits poulets. Et puis j’ai craqué récemment. L’une de ces faiblesses qui font que je me déteste. « Quel est le problème ? » me demanderont les plus naïfs d’entre vous. C’est que dans ces quelques dizaines de gramme de viande blanche, se cache une tonne de noire culpabilité. Comment ne pas penser à la torture qu’endurent ces malheureux volatiles de leur éclosion à leur trépas pour finir ainsi ? Il y a beau avoir une étiquette assurant que ces animaux ont été élevés en plein air, impossible de croire que cet élevage fut supportable. Et puis il y a l’emballage. Une sorte de starter pack qui emprisonne le blanc sous vide, rendant son ouverture presque aussi délicate qu’une opération de chirurgie esthétique. C’est qu’il ne faut pas laisser de morceau de plastique. Non que cela affecterait profondément les qualités gustatives très relatives de ce plat, mais cela ajouterait encore un peu de matière non désirable à un produit qui n’en manque pas. Car je ne peux croire qu’en ingérant une volaille ainsi emballée, il ne se glisse pas quelques microplastiques dans l’estomac. Or j’ai appris récemment par une chronique radiophonique que ces dangereux fragments se frayaient un chemin vers le cerveau. Au point que selon une récente étude, les personnes ayant un diagnostic de démence affichent aussi un taux de microplastiques dans le cerveau trois à cinq fois plus élevé que le reste de la population. Ce qui pourrait expliquer en partie le comportement de votre chroniqueur quotidien mais aussi celui de personnes investies de responsabilités autrement importantes. Je m’en voudrais cependant de vous laisser sur cette note inquiétante. La chronique susmentionnée indiquait que « l’organisme est capable d’éliminer une bonne partie de ces microparticules par la transpiration ou l’urine ». Vous savez ce qu’il me reste à faire.

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Frédéric Roy
Ancien directeur de la rédaction de CB News disposant de beaucoup de temps après avoir longtemps couru derrière. J'écris tous les jours pour mon plaisir et, autant que possible, pour le vôtre.