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Pas de quartiers

29 novembre 2024

J’ai plutôt une mémoire visuelle. Même quand je cherche un morceau de musique sur YouTube, c’est par la vignette et non par le titre que je le retrouve. Mais je pense aussi avoir une sorte de mémoire géographique, ou géolocalisée pour faire plus moderne. Je m’explique. Certains lieux sont indissociablement liés à des gens ou des événements. Je repense systématiquement à des amis dans certaines rues, face à des immeubles ou au passage devant quelques cafés. Je devine que nous sommes nombreux dans ce cas. Ainsi cette semaine, en passant dans l’une des contre-allées de l’esplanade des Invalides, m’est revenue un incident lointain avec un chauffeur de taxi. C’était avant les VTC, les vélos en libre-service et les trottinettes. J’entre donc dans une voiture et indique au chauffeur que je souhaite me rendre rue de Constantine. À peine ai-je prononcé ces mots, qu’il me répond aussi brusquement que brutalement : « je ne vais pas dans ces quartiers ». Surpris mais obéissant, je ressors de sa voiture tout en fomentant une réponse cinglante que je ne trouve naturellement pas. Je me contente donc que lui préciser que la rue où je vais n’est pas dans l’un de « ses quartiers » mais se trouve dans le VIIème arrondissement et qu’elle héberge notamment l’un des services de la République dans lequel je me rendais. C’était il y a des dizaines d’années et j’ai toujours regretté de ne pas avoir eu une réplique plus théâtrale stigmatisant autant son ignorance que son racisme latent. Car c’était bien de cela qu’il s’agissait. De par mes origines, je n’ai jamais été complètement blanc. Pas noir non plus et en fait pas franchement identifiable. Un autre chauffeur m’avait un soir fait une scène parce qu’il était persuadé que j’étais kabyle comme lui mais que je refusais de parler cette langue. J’avais eu toutes les peines du monde à le convaincre que si j’étais quelque chose d’autre que Français, c’était haïtien, sans autre ajout sur ma judaïté d’origine maternelle histoire de ne pas envenimer les choses. Le seul taxi driver qui m’ait correctement identifié était à New York, et il était haïtien. Aujourd’hui quand je ne suis pas à moto, je privilégie plutôt le VTC pour diverses raisons inutiles à détailler ici. Mais peut-être en y réfléchissant, que le fait que l’appli m’indique le prénom du chauffeur et que celui-ci connaisse le mien nous évite des méprises dommageables.