13 mai 2025
On en a tous non ? Des petits bonheurs paradoxaux. Je parle de ces moments de la vie où l’on s’aperçoit que l’on est heureux d’une action ou d’une situation pourtant très banale. Voilà exactement ce que j’ai ressenti hier en revenant de la déchetterie. Un sentiment de plénitude. De libération. Je ne sais pas si vous fréquentez ce genre de lieux, mais si ce n’est pas le cas, je vous invite fermement à le faire. Vous n’y verrez que des gens heureux et vous partagerez cette joie. Un peu comme à l’église, enfin, je le suppose. Il faut nous voir balancer des vieux meubles, de la vaisselle, ou des appareils ménagers avec un entrain enfantin. Il y a là une sorte de jouissance primitive à entendre les objets se fracasser dans les bennes en contrebas. Une sorte de raccourci – ou de terminal – de la société de consommation. Et puis, lorsque cette orgie jubilatoire est terminée, on reprend le chemin de chez soi, la voiture allégée, le sentiment du devoir accompli et la perspective de contempler la cave, naguère encombrée d’un foutoir sans nom, retrouver un aspect presque pimpant. Et prête à accueillir de futurs objets obsolètes et ainsi poursuivre le cycle. Pour conclure une si belle journée passée dans la poussière, il me reste un deuxième instant de félicité. Celui-ci est plus récurrent mais plus difficile à atteindre car il s’agit de jouer de la musique à peu près correctement. C’est évidemment très différent mais tout aussi plaisant. Quand ça marche. Comme je ne fais qu’improviser à partir de mélodies trouvées sur YouTube, et n’ayant aucune technique académique, il m’arrive de m’émerveiller des harmonies qui se forment comme par hasard sous mes doigts. Compte tenu de ma maladresse, aggravée hier par la manipulation des rebuts susmentionnés, cela n’arrive pas si souvent, mais quand toutes les notes s’ajustent, le plaisir qui en résulte est absolument incomparable. À lire ces lignes, vous pourriez légitimement vous interroger sur ce qui motive cette béatitude dégoulinante de bons sentiments. C’est peut-être parce que, depuis quelques jours, je reçois, en plus des appels de 07 indésirables, spams et autres scams, des messages de bienveillance envoyés par des correspondants anonymes. Je soupçonne bien sûr quelques sectes de chercher à m’embrigader par je ne sais quel subterfuge. Que ces mystérieux prédicateurs se rassurent, tout va bien. Si seulement ils pouvaient cesser de m’importuner, ma félicité serait totale. Ou presque.