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Marche arrière

J’ai encore failli me faire attraper par la patrouille anti-boomer. Un réflexe malheureux et paf ! Nous finissions de déjeuner avec une très bonne amie lorsque celle-ci me proposa de sortir sur la terrasse pour le café, ce qui lui permettrait de fumer. J’acceptais d’autant plus volontiers que c’est l’occasion pour moi d’en griller une. J’ai arrêté il y a plus de 20 ans mais après une décennie d’abstinence totale, je me suis autorisé à rompre l’embargo de loin en loin, sans risque de récidive tant les très rares cigarettes que je me permets sont mauvaises. Où est le plaisir alors ? Bonne question. Peut-être dans une forme de nostalgie d’une jeunesse passée dans les nuages. Quand j’y ai renoncé, les restrictions étaient encore très légères bien qu’elles fussent considérées différemment par les premiers concernés. Ainsi au moment où je me suis arrêté, je travaillais dans un grand quotidien du soir qui avait banni le tabac de ces bureaux mais pas des couloirs, cafétéria et autres espaces communs. Ce qui ne l’empêchait pas de publier de longs articles sur ce fléau sanitaire. Est-ce le souvenir de ces temps incertains qui m’a fait accomplir ce geste ? Toujours est-il qu’une fois la clope grillée, je l’ai lancée négligemment – quoiqu’avec une précision remarquable – dans le caniveau au lieu de l’écraser dans le cendrier. Aussitôt mon amie m’en fit reproche d’un regard noir. Je m’excusais platement, espérant que le patron ne m’ait pas vu ou pire, qu’une ronde de police municipale ne passe dans ce quartier si propret. Il n’en fut rien et mon geste restera impuni. Mais j’ai senti le vent du boulet autant que le poids du passé. Sur ce, quittant ces lieux sur mon destrier électrique, j’assistais à une altercation entre deux automobilistes. Attendant sagement – pour une fois – qu’ils en aient terminé, j’observais la voiture qui me bloquait le passage. C’est alors que j’aperçus que sa conductrice avait habillement disposé son smartphone sur le tableau de bord, juste derrière le volant. Un dispositif simple et subtil lui permettant d’un coup d’œil de regarder une vidéo plutôt que les compteurs ou la circulation, spectacles passablement ennuyeux il est vrai. Ce qui pouvait aussi expliquer l’ire de son utilisatrice dérangée dans son visionnage par la manœuvre impromptue du véhicule adverse. Pour la deuxième fois de la journée le poids du changement de génération s’abattit sur mes épaules. À l’époque où fumer était la norme et la vitesse au volant si peu contrôlée qu’on la croyait libre, nul n’aurait songé à installer une télé pour regarder Jean-Pierre Foucault ou Marc-Olivier Fogiel en conduisant sa Citroën Xsara ou sa Renault Laguna. Triste époque. Vivement demain !