À chaque fois que je l’entends, je pense à son double de fiction. C’est peut-être le seul homme politique français qui me fait cet effet. Je ne peux m’empêcher d’évoquer les courants d’air qu’il déclenche en claquant les portes ou la vibration des meubles et des bibelots lorsqu’il approche à grand pas. Sauf qu’il est beaucoup moins drôle que son personnage de bande dessinée repris au ciné par Thierry Lhermitte dans Quai d’Orsay. Lorsque j’ai allumé la radio ce matin, il pérorait sur les grands sujets du moment emplissant l’air de son emphase. Mais il a suffi de quelques grandes phrases creuses élégamment déclamées pour que j’en aie assez. Aussi le fis-je taire et ne saurai donc jamais comment il n’a pas répondu aux questions que les journalistes inutilement persévérants lui posaient. Et ses derniers mots sont restés comme suspendus dans l’air de ma salle de bains. Un peu comme le film que j’ai vu la semaine dernière. C’est celui d’une amie qui, en plus de diriger une agence de pub, chante avec son groupe qui s’appelle les Ex Virgin. Elle m’avait invité dans une salle du quartier latin qui est peut-être l’une de celles qui ont le plus compté dans ma jeunesse. La bonne nouvelle c’est qu’elle est toujours là, contrairement à la plupart des commerces du voisinage qui ont changé de destination. Pour ceux qui sont encore ouverts. Si ce n’est pas le premier ciné que j’ai fréquenté, je me souviens y avoir vu quelques-unes des œuvres qui m’ont marquée, à commencer par Buffet Froid. Les salles de ces trois Luxembourg sont toujours aussi petites et si la peinture est légèrement écaillée, l’ambiance est toujours aussi chaleureuse. Et c’est donc confortablement installé dans ces fauteuils rouges que j’ai commencé à savourer cette fiction mettant en scène mon amie et son groupe. Et soudain, le générique s’est affiché et les lumières se sont rallumées. C’était un court métrage. Je le savais bien sûr, mais entré dans l’histoire je l’avais oublié et je me suis retrouvé un instant comme Coyote continuant à courir dans le vide avant de comprendre et de chuter. Si ce n’est que je ne suis pas tombé et que la sensation, pour curieuse qu’elle soit est finalement assez agréable. Car pendant mon retour à la maison, je n’ai pu m’empêcher de chercher à inventer les possibilités d’une suite qui n’existe pas. Et c’est peut-être ce qui fait la poésie de cet exercice singulier. En stricte opposition avec l’ancien ministre ci-dessus évoqué dont je me fiche complètement des ambitions autant que de son avenir. Le problème, c’est que le film dans lequel il cherche un rôle est interminable. Et que je ne suis pas sûr de vouloir connaître la chute.

Written by
Frédéric Roy
Ancien directeur de la rédaction de CB News disposant de beaucoup de temps après avoir longtemps couru derrière. J'écris tous les jours pour mon plaisir et, autant que possible, pour le vôtre.