31 mars 2025
Mais quel infâme bonhomme ! Quel sale type ! Quand il n’est pas assis à son bureau à signer des textes ineptes, il parcourt le monde sans le moindre respect pour l’environnement. C’est dégoûtant. De qui je parle ? Mais de moi bien sûr ! Oh je ne vous apprends rien, vous dites-vous en votre for intérieur. Vous connaissez le conducteur d’autos à essence, de motos à essence, le voyageur en avion à kérosène. Certes pour ma défense, je peux aussi avancer que je possède aussi une moto électrique, une guitare électrique et que mon dernier déplacement s’est effectué en TGV. D’ailleurs, Kevin, le chef de bord qui m’a accueilli au nom de tout l’équipage, n’a pas manqué de préciser que j’avais fait le choix du moyen de transport le plus écologique qui soit. Et paf. Sauf que j’avais oublié une dimension. Un détail oserai-je prétendre si je n’avais peur d’être accusé de minimiser ma faute. Car j’avais une valise. À roulettes. Et ça, c’est impardonnable. Mais je l’ai découvert trop tard, dans le train du retour, en lisant un article sur le « syndrome de la valise à roulettes ». Oui, car derrière leur banalité innocente, ces bagages ne sont rien d’autre que les instruments, que dis-je les armes, de l’« airbnbisation » qui ravage nos villes. Bien qu’ayant réservé à l’hôtel, j’aurais dû m’en douter. L’établissement en question se trouvant en plein centre, il m’a fallu traverser une bonne partie d’une cité qui fut naguère celle des papes en tirant mon sac dont le son alternativement caverneux ou aigu selon le revêtement, me signalait comme un ennemi de la planète, de la ville et de sa quiétude. J’avoue ne pas apprécier particulièrement ce roulement et j’en profite pour signaler aux aménageurs de gares que l’idée du plancher aux lattes perpendiculaires au sens de la marche n’est pas la meilleure. Alors oui, j’aurais pu soulever ma besace à la force de mes bras ou mieux encore, la porter sur le dos puisqu’elle est également pourvue de bretelles prévues à cet effet. Mais cédant à ma paresse d’homme moderne, j’ai tiré tel un âne bâté pour atteindre ma cible hôtelière. À la suite de quoi je suis ressorti en ville, déguisé en touriste, lunettes de soleil au nez et casquette sur la tête. Et je me suis à peine retenu de prendre un air excédé en entendant résonner le sourd grondement des roues de quelques quidams parcourant les rues pavées à la recherche de leur location temporaire. Cherchez l’infâme.