7 mai 2024
Avant tout, il me paraît important de préciser que je n’ai lu aucun livre de Bernard Pivot récemment (si vous ne comprenez pas l’allusion, l’explication est ici et là). D’ailleurs je ne me souviens pas avoir jamais lu l’un de ses livres alors qu’il m’en a fait lire beaucoup. Ce dont je me souviens, c’est que je l’ai interviewé chez lui il y a probablement une vingtaine d’années. Bizarrement c’est son appartement plus que ses mots qui me sont restés en mémoire. Un grand salon dans lequel des piles, des tas, des colonnes de livres tenaient comme par miracle. Ce décor aurait pu être celui de l’une de ses émissions sans qu’il y ait besoin de changer quoique ce soit. Très bien, vous dites-vous, de quoi aviez-vous parlé ? De son travail je suppose, de son émission du moment et probablement de ses projets d’alors, mais j’avoue que tout ceci s’est effacé. Alors pourquoi en parler, si ce n’est pour se vanter ? Et pourquoi pas, pour une fois ? Après tout, les réseaux sociaux sont remplis d’images de gens s’étant fait tirer le portrait aux côtés de personnes plus célèbres qu’elles. Particulièrement quand ces dernières sont passées de vie à trépas. D’ailleurs, Facebook, LinkedIn et autres tendent à devenir de grandes notices nécrologiques égocentriques. Il fut un temps où il fallait attendre la parution du quotidien du soir ou le journal de 20 heures pour apprendre lequel des grands de ce monde nous avais quittés, aujourd’hui tu déroules ton fil et sans même prendre le temps de lire, tu sais que si tu vois trois fois Pivot, c’est qu’il est parti. Et puisqu’on parle de clichés, je me souviens quand même que j’étais accompagné d’un photographe de presse qui l’avait shooté pendant toute l’interview et encore après. Et puis, las de prendre les poses, interrompant le chant lancinant du déclencheur de l’appareil, Pivot s’est soudainement levé en disant : « Ça suffit, vous l’avez ! » Et la séance s’est terminée sur ces mots. Oui, nous avons eu la chance de l’avoir.