Normalement, vous ne l’êtes pas, mais comme on n’est jamais trop prudent, je préfère vous prévenir. Il est en effet possible que vous soyez parasocial. Ce n’est pas très grave, mais c’est quand même un peu embêtant. Un être atteint de ce syndrome entretient une relation ou un lien à sens unique avec une personne qu’il ne connaît pas réellement, comme une célébrité, un personnage fictif, un influenceur, voire une IA. Encore une fois, il y a peu de chances que ce soit votre cas. Il semble pourtant que nous soyons nombreux sur cette planète à être concernés par cette déviation affective puisque j’ai appris que, selon le Cambridge Dictionary, il s’agissait du mot de l’année. Outre le fait qu’il est peut-être un peu tôt pour se prononcer définitivement sur ce sujet, l’article qui mentionnait cette information n’expliquait pas la raison de ce choix. Ce qui est d’autant plus troublant que ce mot n’existe pas dans les dictionnaires français comme me le fait remarquer Robert, mon correcteur d’orthographe. Il est vrai que celui-ci est assez vieux jeu, raison pour laquelle j’entretiens avec lui une relation assez distante malgré notre proximité quotidienne. Une nouvelle preuve de ma sociabilité limitée avec les logiciels, prétendument intelligents ou non. Ne voyez pourtant dans cette assertion nulle aversion pour le progrès. Ainsi, dès que l’on m’informe d’une nouveauté pratique, je m’empresse de la tester. Ce que je fis hier en apprenant matinalement qu’il était désormais possible de disposer de la Carte Vitale sur son smartphone. Aussitôt je télécharge l’appli et me lance dans le processus de validation. Compte tenu des enjeux de haute sécurité sociale de l’affaire, il ne s’agit pas d’une promenade de santé. Néanmoins, malgré quelques tâtonnements, je triomphe des embûches numériques et après moult scans et selfies destinés à s’assurer de la correspondance entre ma trombine et mon identité, le verdict tombe : je ne suis pas celui que je prétends être. Je ne m’attendais pas à beaucoup de bienveillance de la part d’une appli administrative mais apprendre sans plus de ménagement une telle nouvelle, à mon âge, est assez perturbant. J’ai pourtant surmonté le choc initial en me souvenant que la Sécu n’avait retenu que deux des cinq prénoms que mes parents m’ont gentiment donnés. Ainsi quand je vais à la pharmacie, chez le médecin ou à l’hôpital, je m’appelle Louis Antoine. Jusqu’à présent, cela me donnait un petit côté James Bond médical qui me faisait sourire. Mais il semble que je sois en passe d’être démasqué par les algorithmes. Pourvu que je ne finisse pas parasécuritésociale.

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Frédéric Roy
Ancien directeur de la rédaction de CB News disposant de beaucoup de temps après avoir longtemps couru derrière. J'écris tous les jours pour mon plaisir et, autant que possible, pour le vôtre.