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Des papillons dans les genoux

28 janvier 2025

Ça fait pourtant un bout de temps que je me connais, mais je continue à me surprendre. Pas toujours en bien d’ailleurs. Hier soir, j’ai assisté à une cérémonie de remise de prix comme les professions publicitaires les aiment tant. Elle était organisée par le média leader pour lequel je commets des éditos dominicaux. J’avais noté l’adresse sans plus y faire attention. C’est ainsi qu’à la nuit tombée, sous un ciel exceptionnellement dépourvu de nuages, je me suis retrouvé à l’entrée de la Salle Wagram, avenue du même nom. Et voilà qu’alors que je faisais sagement la queue pour montrer mon invitation j’ai été saisi, à ma grande surprise, d’une émotion incontrôlable. Comment avais-je pu oublier que ce lieu est celui de mes adieux à mon ancien journal ? Comment pouvais-je n’avoir pas réalisé à quel point cet endroit était une mine – ou une montagne, je vous laisse le choix — de souvenirs. J’y ai pourtant animé moult cérémonies similaires à celle d’hier soir. Voilà ce qui m’épate. Je sais que je suis émotif, mais je n’avais pas réalisé à quel point je pouvais occulter mon passé. C’était bien la peine de dépenser autant d’argent dans une psychanalyse. Je vous rassure, le malaise s’est très vite dissipé. Mais cela m’a rappelé à un article que j’avais lu dans l’après-midi sur le site d’une revue scientifique à propos des Mésopotamiens qui, il y a 3 000 ans, ressentaient les émotions de manière très différente des nôtres. Ainsi dans cette lointaine civilisation, la sensation amoureuse était ressentie dans les genoux, plutôt que dans le cœur. Les chercheurs ont fait cette découverte en analysant les liens entre les expressions linguistiques liées aux émotions et les sensations corporelles dans des textes datant très précisément de 934 à 612 avant notre ère. Bref, là où nous avons des papillons dans le ventre, les Néo assyriens – qui sont d’anciens Syriens – avaient les genoux qui flageolaient. Selon toutes probabilités, il y a fort peu de chances que le présent texte soit découvert et encore moins analysé par des linguistes du XXIIIème siècle. Ça leur évitera de tirer des conclusions aussi hâtives qu’approximatives sur la bêtise humaine à la préhistoire de l’intelligence artificielle. J’aurais bien mis un émoji pour leur simplifier le travail, mais je n’ai pas trouvé celui qui résume mes sentiments sur notre époque. Mitigés.