27 mars 2024
Je ne suis pas un robot. Je suis à peu près certain que personne parmi vous n’en doute, mais à force d’être obligé de le prouver si souvent, je finis par me poser des questions. Comme tout le monde, il m’arrive maintes fois de devoir me plier à des exercices apparemment très simples pour prouver à un site ma réalité d’être pensant, fragile et sujet à interrogations. D’humain quoi. Outre le fait qu’on peut légitimement douter de l’efficacité des mesures prises pour distinguer le bon gars de l’IA (à en juger par le nombre d’attaques et de problèmes liés aux bots), cet exercice m’interroge sur ma condition. Car lorsqu’il m’est demandé de cocher des cases sur lesquelles on voit un bus, un bateau ou n’importe quoi d’aussi absurde, il m’arrive souvent d’hésiter parce que j’ai l’impression qu’un tout petit morceau de l’objet susmentionné déborde sur la case en bas à gauche. Mais je ne sais pas si le robot qui me demande de prouver que je ne suis pas de son camp va comprendre la subtilité de ma réflexion. Et je ne dis rien des lettres et chiffres tracés avec des typos illisibles et enchevêtrées qui me font douter de mon niveau intellectuel quand je suis incapable de distinguer un Y d’un J entortillé dans un H. Surtout quand j’ai oublié mes lunettes. Le pire, c’est qu’une fois passé ce redoutable test, je donne toutes les apparences du robot lorsqu’on me demande de créer un mot de passe plein de caractères spéciaux et de chiffres. Cryptogramme que je risque d’oublier plus ou moins instantanément, étant un humain de facture relativement ancienne. Au moins suis-je vivant. Oui, parce que les réseaux sociaux, dans leur souci constant de vous trouver de nouvelles relations, me proposent parfois de me connecter avec des gens dont je sais qu’ils sont morts, et certains depuis longtemps. Et je dois reconnaître que je trouve cela très gênant. Dans notre société pourtant hautement numérisée, ce n’est pas encore un réflexe de fermer le compte d’un proche disparu. Pour une fois les machines n’y sont pour rien. Mais ce n’est pas une raison pour que Facebook, LinkedIn et leurs petits camarades se mettent me demander des preuves de vie tous les matins.