22 mai 2025
On va encore croire que je fabule pour me rendre intéressant. Eh bien on a tort. Car un bateau a bel et bien porté mon nom. Ou plutôt mon surnom. Enfant, j’ai passé mes vacances d’été sur une île bien connue du Golfe du Morbihan. Quel âge pouvais-je avoir ? Je ne sais pas, mais pas beaucoup plus de deux ans lorsque j’ai inventé mon premier mot en voyant un ballon coloré sur la plage. Ne trouvant pas d’autre manière de le décrire, je me suis écrié : « Oh un bigrond ! » Ce qui a enchanté mon père qui s’est empressé de populariser cette expression. Avec un très grand succès puisque tous les amis, les connaissances et même les commerçants de l’île m’ont instantanément surnommé ainsi. Or l’un des membres de la grande bande de copains de mes parents avait entrepris de fabriquer un petit voilier dont il avait trouvé les plans dans une revue de bricolage. Et c’est ainsi qu’un fier navire fut baptisé de mon surnom. Et que sous mes yeux ébahis, il fut mis à l’eau avec solennité. Glissant le long de la cale, on le vit pénétrer dans l’eau. Puis s’enfoncer, sans jamais flotter. Je crois me souvenir que cette petite catastrophe était due à un principe de – trop grande – précaution. De peur qu’elle ne soit trop fragile, la coque avait été tellement renforcée qu’elle avait la flottabilité d’une pierre. Faute de naviguer sur les eaux du golfe, elle avait terminé sa vie au fond du jardin de la maison dans laquelle je passais mes vacances. Ainsi voyais-je chaque année cette triste épave qui m’avait fait tant rire. Car si l’affliction de l’auteur m’avait peinée, l’image du dériveur s’enfonçant inexorablement dans la mer avait provoqué l’un de mes premiers fous rires. Ce qui est certainement un élément de différenciation avec Kim Jong-un. Il est vrai que l’on m’a rarement fait remarquer que je ressemblais à ce jeune dictateur, mais depuis ce matin, il n’y a plus aucune confusion possible. J’ai appris en effet qu’il s’était fortement emporté après un « grave accident » qui s’est produit lors du lancement d’un navire de guerre. Ce qui ne l’a pas du tout fait rire puisqu’il a qualifié l’incident d’« acte criminel causé par une négligence absolue ». Avec la mesure qui caractérise le personnage, il a promis que les « erreurs irresponsables » des fonctionnaires coupables seraient « traitées » par le comité central du Parti. De quoi craindre le pire. Mon bateau lui, avait fini dans un grand feu d’hiver. Tout aussi réjouissant que son naufrage.