4 juin 2025
Depuis quelques jours, j’ai l’impression de vivre dans un film de Jacques Tati. Je ne fume pas la pipe – je n’ai jamais compris comment on faisait et quel plaisir on pouvait tirer de cet objet puant – je ne porte pas de petit chapeau et encore moins d’imper. C’est à l’atmosphère sonore que je fais référence. À chaque fois que j’ouvre une fenêtre ou une porte, le barouf d’un chantier tout proche me percute les oreilles. Je referme et retrouve un silence à peine troublé par le tic-tac de l’horloge à la sonnerie aléatoire. Effet du double vitrage providentiellement installé juste avant la destruction partielle du pavillon d’en face. Aussi curieux que cela puisse paraître, mon irréductible athéisme s’accommode en effet de l’existence de miracles. J’ai d’ailleurs été le témoin de l’une de ses manifestations inexplicables hier alors que je tentais de réparer ma tondeuse à gazon. Il faut comprendre que ma relation avec cette machine est assez difficile. Je ne l’aime pas, voilà. Ne me demandez pas pourquoi, je ne sais pas mais c’est irréversible. Résultat, je m’en occupe aussi peu que possible et elle me le rend bien. Au démarrage, la bande-son me fait plutôt penser à Porco Rosso, le cochon pilote d’avion de Miyazaki. Le moteur cahote, hésite, cale, redémarre puis se décide enfin à tourner à un régime à peu près stable. L’embrayage embraye et nous voilà partis pour d’incessants allers-retours. Jusqu’à ce que cette machine infernale décide de ne plus avancer toute seule. Vérification faite, la courroie d’entraînement avait sauté. Pour la fluidité du récit, je glisse sur les détails techniques pour en arriver à l’instant où, après moult tentatives ayant requis l’essentiel de ma force physique et le reste de mon sens pratique, j’en étais à renoncer à cette réparation, faute de comprendre comment l’entreprendre. C’est alors que j’avisais une pièce qu’il me semblait n’avoir jamais vue auparavant. Une sorte de poulie arrivée sur la table de travail par quelques détours dont je ne veux pas croire qu’ils soient divins. Quoi qu’il en soit, je m’aperçus qu’il suffisait d’y enrouler la courroie rétive pour régler le problème. Ainsi fut fait. Renonçant à toute explication, je réinstallais le tout, tirais la ficelle du démarreur, et n’obtenais qu’un cahotement piteux. Il n’y avait plus une goutte d’essence dans le réservoir. Si cela avait été un film, ce serait la scène finale de Duel quand, dans le soleil couchant, Dennis Weaver regarde la carcasse du camion qui a essayé de le tuer pendant toute une journée. Et qu’il est pris d’un fou rire hystérique.