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Aiguille âgée

15 janvier 2025

Je suis une vache. Je comprends que cette révélation risque de désarçonner nombre d’entre vous, mais voilà. J’ai eu cette stupéfiante révélation hier au cours d’un déjeuner avec une bonne amie. Nous parlions de notre usage des réseaux sociaux et après avoir évacué le cas X, nous abordâmes celui d’Instagram. Et là, j’expliquais que de fil en aiguille, ou plutôt de routes en chemins de fer, les méandres algorithmiques avaient mené cette plateforme à me proposer de plus en plus de vidéos de trains. Je suppose en effet que parti de l’auto, dont vous savez ma passion, nous avions dû dériver vers d’autres sortes de machines roulantes. Et c’est ainsi que je me surprends de temps à autre à regarder des locomotives à vapeur progresser dans des paysages, souvent bucoliques, crachant et fumant des rejets à faire tomber en carafe tous les dosimètres de la planète. Mais derrière l’écran de mon téléphone je ne sens rien de cette odeur de fumé qui piquait les narines lorsque enfant, je me penchais à la fenêtre des derniers trains à vapeur circulant sur les lignes desservant la Bretagne. De fait, la plupart de ces images semblent avoir été filmées il y a bien longtemps et ces polluants ont dû finir de se dissoudre dans l’atmosphère, non sans l’avoir passablement endommagée. Et moi, tel un paisible ruminant, je regarde ces nobles machines anciennes passer, l’œil aussi vif que celui d’une charolaise le long de la ligne Paris-Limoge. Je n’en suis pas fier et je peux même dire que je m’en veux lorsque je m’aperçois que cela fait plusieurs minutes que je m’oublie devant le mouvement hypnotique des bielles. Vous me direz que cela peut expliquer pourquoi j’ai souvent un train de retard sur l’actu. Mais quoi ? Je ne suis pas sûr qu’en regardant le spectacle de la représentation nationale sur La Chaîne parlementaire j’aurais l’esprit beaucoup plus vif. À entendre les réactions des uns et des autres à la suite du discours de politique générale de l’actuel Premier ministre, je n’ai pas l’impression d’avoir raté grand-chose. Il semble que le train des réformes soit en panne, voire en passe d’être démantelé, et le moins qu’on puisse dire c’est que les voies tracées hier semblent au moins aussi entremêlées que les aiguillages de la Gare du Nord. Ah oui, je suis une vache métaphorique. C’est une race assez courante dont les gaz sont sans effets sur la couche d’ozone. Mais qui ne se mange pas.