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Feu le cash

28 mai 2025

Ils sont deux. Deux messieurs bien mis, le premier en costume bleu marine, l’autre en gris. L’un porte des lunettes, l’autre aussi, mais les siennes sont rondes tandis que le premier a le regard rectangulaire. Ils sont peut-être dans la fin de la cinquantaine et se tiennent devant un restaurant en vue de l’Arc de Triomphe de l’Étoile. Tous deux ont leur smartphone à la main et le consultent avec concentration. Ils ne se regardent pas, mais lorsque l’un fait un mouvement, l’autre suit instantanément, sans lever la tête de son écran. Le feu passe au vert et je quitte à regret ce ballet impromptu et improvisé. Qui sont-ils ? J’imagine des banquiers ou à tout le moins des hommes d’affaires dans l’attente d’un rendez-vous crucial. Je leur souhaite de bonnes nouvelles tant ils m’ont réjoui l’espace d’un instant. Puis je les oublie avant qu’ils ne me reviennent à l’esprit un peu plus tard, en sortant d’une brasserie de Montparnasse. Non dans l’espoir de les revoir et d’apprendre enfin ce qui les préoccupait, mais en repensant aux propos de l’amie avec qui j’avais déjeuné. Elle m’avait raconté que le matin même, lors du conseil d’administration d’une start-up dont elle détient des parts, elle avait été stupéfaite par la désinvolture de la fondatrice de cette jeune pousse aux résultats financiers calamiteux. Malgré une trésorerie s’approchant dangereusement du néant, l’entrepreneure semblait sereine, convaincue qu’une nouvelle levée de fonds suffirait à remettre à flot la boîte. Et continuer à « cramer du cash », selon l’expression consacrée. Moyennant quoi, elle avait passé une quinzaine de jours en Californie, aux frais de l’entreprise, à la recherche de nouveaux business angels. Sans succès mais sans inquiétude, certaine que l’aventure continuerait nonobstant l’absence de résultats. Mes deux danseurs étaient-ils de ce monde-là, attendant un sauveur pour leur start-up en perdition ? Aucune idée bien sûr. Mais cela m’a rappelé mes relations avec les actionnaires du magazine que j’avais relancé. Ils m’ont tous et toujours soutenus. Je me suis toujours bien entendu avec eux quels que soient les récifs qui nous menaçaient. Probablement parce que je n’ai jamais envisagé de cramer quelques liquidités que ce soit. Et toujours su que le sourire des investisseurs était la récompense des résultats positifs de la boîte. Mais je suis vieux jeu. Même si je ne danse pas en costume le long des avenues.