21 mai 2025
Je n’aime pas perdre. Je ne joue donc que rarement – jamais aux jeux de hasard et encore moins d’argent – car si je ne suis pas suffisamment préparé, armé, doué ou tout ce que vous voulez pour gagner, je préfère m’abstenir. C’est une attitude un peu infantile pour être gentil, ou stupide pour être honnête, mais il me semble qu’elle vaut mieux que de se comporter en mauvais joueur. Ce que j’aime encore moins que perdre. Pourtant, il y a quelques années, sur la plage de Cannes où je me trouvais, non pour les stars de ciné, mais pour une grande manifestation publicitaire, l’une des personnes avec qui nous prenions un verre s’est piquée d’organiser une partie de bras de fer impromptue. Et le voilà qui défie tous les convives sans distinction de sexe et qu’il remporte avec plus ou moins de difficulté toutes les parties. Jusqu’à ce que mon tour arrive. Après avoir vainement tenté de refuser, je me retrouve le coude sur la table, la main dans celle d’un type dont la corpulence est taillée pour l’exercice. Face à lui, je me fais l’effet d’une asperge tandis que mes muscles sont aussi durs que des nouilles trop cuites. Pourtant, ma détestation de la défaite devient le point central de ma pensée et je décide que, perdu pour perdu, je ne me laisserais pas faire. C’est ainsi que j’ai découvert que le bras de fer était moins une histoire de biceps que de cerveau. Ayant décidé de focaliser toute mon énergie sur mon avant-bras, m’interdisant de penser à autre chose, j’ai résisté. Suffisamment pour fatiguer l’autre et l’emporter. Je n’ai pas pu tenir un verre tout le reste de la soirée mais pour une fois j’étais content de moi. Ce qui n’était pas du tout le cas hier lorsque j’ai perdu une partie bien plus longue quoique moins épuisante physiquement. Voilà des années que je résiste à YouTube qui tous les soirs quand je joue de la musique, me propose sa version payante pour échapper aux publicités. J’ai développé une véritable science pour zapper ces insupportables pre-rolls, comme on dit chez les pros. De son côté, la machine en rajoutait toujours plus augmentant la pression. Mais je trouvais à chaque fois de nouvelles parades. Jusqu’à la semaine dernière quand les mid-rolls se sont multipliés coupant brutalement les morceaux sur lesquels j’étais en train de jouer. Voir surgir un footballeur à la retraite me proposer des voitures d’occasion en plein milieu d’un solo sur « Over the Rainbow », m’a vaincu. Impossible de lutter, mes défenses se sont effondrées. J’ai payé le prix pour jouer sereinement. Dans la musique, il n’y a pas de perdant. Que du bonheur.