5 mai 2025
Je ne crois pas être un garçon imprudent. Pas plus que la moyenne. Mais j’ai toujours eu du mal avec ce type de consignes aussi affectueuses soient-elles. Aussi bon fils que j’ai essayé d’être, je crois avoir horripilé ma mère en lui répondant systématiquement par la négative quand elle me demandait de faire attention avant de prendre le volant ou le guidon. Elle souriait aussi bravement que gentiment parce que nous savions tous les deux que ce n’était qu’une mauvaise plaisanterie. Passé côté parent à mon tour, je crois m’être toujours abstenu de ce type de recommandations à mes enfants. Mais c’est facile, aucun des deux ne possède de véhicule et seule ma fille a le droit d’en conduire. Ce qui ne m’empêche pas de m’inquiéter lorsque l’un ou l’autre entreprend un déplacement plus lointain que d’ordinaire. Mais en silence. Question de cohérence avec cette conviction de l’inutilité de tels conseils. Sauf pour témoigner de son attachement à ceux à qui on les prodigue. Ce qui est évidemment important mais ce dont je ne peux soupçonner une société, fut-elle mutuelle. D’où mon étonnement samedi lorsque le signal de l’arrivée d’un nouveau message m’a brusquement tiré de ce sommeil postprandial que je chéris tant. Qui se permettait d’interrompre un moment si doux ? L’un de mes proches ? Certainement pas me rassurais-je en émergeant des limbes pour découvrir qu’il s’agissait d’un message de la Matmut. Laquelle m’avertissait d’un « renforcement des pluies en cours » et m’invitait par conséquent à la prudence à Le Vésinet (sic). Et d’énumérer la série de calamités risquant de s’abattre sur ma pauvre personne de manière imminente : grêle, inondations, ruissellement et réactions de cours d’eau (re sic). Passé la surprise, je me suis demandé ce que je pouvais y faire moi, à toutes ces catastrophes à venir. Prier, ce n’est pas trop mon truc. Fuir non plus. Et encore moins sous des grêlons excitant des cours d’eau prêts à tout pour sortir de leur lit. J’aurais bien répondu au SMS comme je le faisais à celle qui s’inquiétait pour sa progéniture, mais je ne suis pas sûr que j’aurais fait sourire l’émetteur de ces avertissements angoissants. J’ai lu récemment un article très sérieux sur les cas de plus en plus nombreux de personnes entretenant des relations quasi amoureuses avec des IA, comme dans le film « Her ». Autant prévenir tout de suite les chatbots de mon assureur, du cuisiniste du coin ou de mon opérateur téléphonique : qu’ils n’y pensent même pas. Mon cœur de pierre n’est pas à prendre par un cerveau numérique.