2 avril 2025
De temps en temps, je me demande quand même si tout fonctionne normalement au sommet de mon crâne. Oh, il n’y a pas de quoi en faire un livre, je ne suis pas atteint d’une maladie mentale mais quand même. Ainsi, me trouvant à Marseille la semaine dernière, je n’ai pas trouvé d’autre idée qu’acheter un livre sur Strasbourg. Ce n’était certes pas un guide touristique, ce qui aurait été le signe d’une affection grave, mais un roman. C’est naturellement son titre qui m’a attiré, « La Maison hantée ». Ce n’est pas à proprement parler un roman d’horreur, mais quand même une histoire horrible puisqu’elle se déroule pendant l’occupation de la capitale alsacienne par les nazis. Comme beaucoup d’entre nous je suppose, j’en ignorais l’essentiel c’est-à-dire l’évacuation totale par les autorités françaises avant l’offensive allemande puis l’intégration dans le Reich dans les cinq années qui ont suivi. À la différence du reste du pays, l’Alsace n’a pas été simplement occupée. Elle est devenue une région allemande à part entière dans laquelle aucune autre langue ne pouvait y être parlée ou lue et où toutes les lois racistes et brutales décidées à Berlin s’y appliquaient sans faille. Ce bouquin qui fait des allers-retours entre le passé et le présent d’un immeuble du centre de la ville m’a fait oublier le temps pendant mon voyage de retour vers Paris. Mais si je vous en parle c’est aussi parce qu’un détail de la quatrième de couverture m’a interpellé. L’autrice, Michèle Audin, est professeur à l’Institut de recherche mathématique avancée de Strasbourg. Ce qui m’inspire un immense respect compte tenu de mon inaptitude congénitale à manier les chiffres. Que l’on sache le faire tout en écrivant des livres aussi subtils me semble profondément admirable. D’autant que, si je suis incapable de calculer, j’apprécie la rigueur intellectuelle. Faute de maths j’ai fait du droit et l’étudiant dilettante que je fus a quand même appris que la langue française pouvait être écrite avec une précision mathématique. Les jugements et autres arrêts sont des chefs-d’œuvre d’exactitude dans lesquels la moindre ponctuation a son importance. Les juristes peuvent s’écharper à longueur de publications sur le sens d’une phrase. Mais le fond n’est jamais remis en cause. Si l’on peut adresser bien des reproches à notre système judiciaire, à commencer par sa lenteur, contester sa probité ou son indépendance est aussi absurde que de critiquer le résultat d’une équation. À moins d’être irrationnel. Ou calculateur. Dangereux dans tous les cas.