17 mars 2025
Je suis absolument certain que vous vous en souvenez tous. Parce que nous avons tous vécu la même chose. Nous avions appris la veille que nous devrions rester chez nous dès le lendemain pour une durée indéterminée. Nous nous apprêtions donc à vivre une expérience unique dans l’histoire de l’humanité en vivant tous la même expérience, dans des conditions certes profondément différentes, mais avec la même obligation de renoncer à ce qui une caractéristique constitutive de notre espèce : la vie en société. C’est grandiloquent non ? D’autant que ce n’était pas il y a cinq ans jour pour jour. Mais si je vous en parle aujourd’hui c’est parce que le 19 mars 2020 était un lundi. J’étais à l’époque à la tête de CB News qui publie entre autres une newsletter quotidienne fort lue par les professions concernées. Ce jour-là, au milieu de toutes les préoccupations pratiques et techniques, une journaliste de notre petite équipe, Amelle Nebia , me fit une proposition qui allait marquer notre vie et celle de pas mal de gens. Ça fait un peu documentaire sensationnaliste américain doublé en Français, mais c’est vrai. Elle m’expliqua que l’on ne pouvait sortir notre lettre du lendemain comme si de rien n’était. Elle me proposait donc d’interviewer quatre personnalités de notre secteur en leur posant à tous quatre questions identiques sur la manière dont elles appréhendaient personnellement et professionnellement cette période inédite. Ce que j’acceptais naturellement. Et c’est ainsi que le lendemain matin, je découvrais des dizaines de SMS me demandant de répondre à ces mêmes questions. Un flot qui ne se tarit jamais pendant le premier confinement. Certains nous envoyaient même des interviews sans que nous les ayons sollicités. Nous avons interrogé des grands patrons, des petits, des indépendants, des journalistes, des annonceurs, des professionnels de tous ordres, des amis, des inconnus… Au total nous avons publié plus de 330 interviews pendant ces trois mois sans contact. Au sortir de cette période, je sortais pour la première fois déjeuner au restaurant lorsqu’un type vint à ma rencontre me demandant si j’étais bien Frédéric Roy. Ce que je fus bien obligé de confirmer non sans m’inquiéter de ce que me voulait ce grand barbu. Me remercier, me rassura-t-il. Pour ce lien que notre journal avait tendu entre ses lecteurs enfermés grâce à ces interviews. J’ai été très touché et très ému mais je n’ai pas eu la présence d’esprit de lui dire que l’idée n’était pas la mienne mais celle d’Amelle. Que je ne remercierai jamais assez.