4 mars 2025
J’aime bien attendre. Je n’aime pas faire la queue, et en cela je suppose que je suis comme tout le monde, mais l’épreuve de la patience ne m’est pas désagréable. J’ai ainsi une commande qui m’attend dans un point de retrait depuis quelques jours et j’ai repoussé le moment d’aller la chercher jusqu’à aujourd’hui. Pourquoi pas hier ? Parce que j’avais rendez-vous avec Olivier Roller , immense photographe et précieux ami qui shoote les couvertures de CB News depuis les débuts du mensuel. En plus d’être l’un des garçons les plus gentils et drôles que je connaisse, c’est un artiste exceptionnel. J’insiste sur ce mot car si nous avons travaillé ensemble pendant 12 ans, c’est son regard qui nous a rapprochés. Sa manière unique de capter l’intime de ses sujets. Elle peut paraître dérangeante et on m’a reproché plus d’une fois d’avoir « maltraité » telle ou telle personnalité. Mais ces remarques ne venaient jamais des personnes concernées qui bien des fois étaient tellement contentes qu’elles achetaient les tirages. C’est qu’Olivier n’est pas un reporter mais un observateur rare de l’humain. C’est déroutant et d’ailleurs ses séances sont un spectacle exceptionnel, truculent, animé, bavard et parfois même chantant. C’est pour lui le moyen de capter une lumière unique dans le regard de ses sujets. Hier pourtant, le thème de notre rencontre était différent puisqu’il voulait me remettre son dernier livre, Corps Flottants. Un ouvrage pour lequel il m’avait sollicité afin de l’aider à le financer, ce que j’avais fait sans hésiter tant je suis sûr de son talent. Le thème pourtant n’était pas facile puisque c’est sur des lits d’hôpitaux qu’il est allé chercher la vie. Pendant la pandémie du Covid, Olivier est parti à la rencontre des malades. Très malades. Sous assistance respiratoire, branchés à de multitudes de tuyaux, les yeux bandés, le corps en péril. Le résultat est un ouvrage terrible et sublime. Aussi beau que dérangeant. Non parce qu’il serait impudique. Au contraire. Ce que l’on voit, c’est la réalité du Covid mise en lumière, parfois en négatif, et teintée du rouge de l’urgence à sauver des vies. Ce réel dramatique que certains ont persisté à nier alors que les morts s’accumulaient. Pour moi qui ai traversé cette crise sans grand dommage ni douleur, ce bouquin est un témoignage précieux de moments que nous n’avons pas le droit d’oublier. Par respect des millions qui sont partis le plus souvent seuls sur leur lit de souffrance. Il y a cinq ans seulement.
« Corps Flottants » d’Olivier Roller, Autre Regard Éditions, 114 pages. 50,00 €