14 novembre 2024
Certains de mes amis m’avouent qu’ils ne lisent pas mes textes tous les matins. Je les comprends et c’est pour cela qu’ils restent mes amis. Lesquels m’expliquent que c’est le rythme quotidien qu’ils ont du mal à suivre, ce que je comprends aussi, ayant moi-même du mal à me suivre. Parfois, ils rattrapent leur « retard » d’autres fois non. C’est pourquoi je peux être amené à me répéter. Afin de m’assurer que chacun d’entre vous est bien au même niveau d’information et non, comme on pourrait le supposer, parce que je perds la mémoire. Vous n’êtes bien sûr pas obligés d’accepter cette explication mais elle m’arrange bien. Pardon donc à ceux qui sont au courant, mais il faut que vous sachiez tous que j’ai de la chance. Depuis toujours. La chance d’avoir fait une carrière incroyable dans le seul métier que je savais faire sans avoir passé aucun diplôme pour y parvenir, la chance de vivre une vie sans nuage depuis 40 ans avec celle qui est mon épouse depuis 39 ans, la chance d’avoir des enfants heureux, un petit enfant merveilleux… Je m’arrête là, je risquerai de susciter lassitude et jalousie, ce qui n’est certes pas mon propos du jour. Non, je veux insister sur cette providence qui me permet de saisir le meilleur comme d’échapper au pire. Ainsi hier, alors que je circulais sur ma moto à modeste vitesse j’ai vu surgir une trottinette électrique noire pilotée par une jeune femme à la longue chevelure brune également vêtue de noir. Il faisait jour et elle était suffisamment loin de moi pour que je n’aie nul besoin de freiner. Mais voyant la manière dont elle avait coupé la route en venant de la gauche, sans un regard pour la circulation, assourdie par les gros écouteurs qui couvraient ses oreilles, j’ai remercié le sort de ne me pas avoir fait arriver trois secondes plus tôt à notre point d’intersection. Or il advint que nonobstant son entrée en scène très brusque pour ne pas dire imprudente, cette conductrice observa l’arrêt obligatoire au feu rouge suivant. Parvenu à sa hauteur, je remarquais qu’à l’emplacement prévu pour une plaque d’immatriculation de son véhicule, était écrit, « Jesus saves ». Et que sur l’arrière de la semelle de sa basket droite était inscrit « Jesus » tandis que sur celle de gauche, les mots « is King » complétaient la sentence. Ainsi, nous n’avions pas la même appréciation de la chance, elle et moi. Mais l’essentiel est que nous en ayons eu tous les deux.