29 octobre 2024
Quand j’étais petit – oui c’est arrivé, on ne va pas revenir sur cette étrangeté – je dessinais des petites voitures. Alors que les enfants normaux représentent leur maison, leurs parents, leurs frères et sœur en forme de bonhommes patates, j’empilais un trapèze maladroit sur un rectangle lui-même posé sur deux cercles. Plus tard, je m’acharnais à reproduire la calandre de la Renault 4 de mes parents. Sans grand succès car je ne suis absolument pas doué pour cet exercice étant – entre autres – incapable de dessiner à main levée. Cela ne m’a pas empêché de persister très longtemps en imaginant des voitures de course couvertes de sponsors. C’est simple, on me mettait un stylo dans la main, je commençais par tracer un cercle, puis un deuxième avant de m’attaquer à la carrosserie. Je ne compte pas les remarques acerbes ou ironiques de mes enseignants en découvrant mes cahiers qui ressemblaient au salon de l’auto des amateurs. Et puis cela s’est arrêté. Quand ? Aucun souvenir précis. Pourquoi ? Pas plus d’idée, peut-être la conscience enfin aboutie que je n’avais aucun talent. Ou simplement l’âge adulte qui fait passer les passions. Mais j’ai gardé de cette époque une fascination pour le design, pas uniquement automobile. L’un de mes grands regrets en tant que directeur d’un magazine de communication est de ne pas avoir su traiter cette matière avec le respect qui lui est dû. Cela m’est revenu il y a quelques semaines en apprenant la disparition de Jean-Baptiste Danet qui fut notamment le patron de l’agence de design Dragon Rouge et avec qui j’ai eu d’intéressants échanges sur ce sujet. Mais j’y ai repensé encore plus récemment, exactement ce matin dans ma douche, lorsque pour la 32ème fois un flacon de shampoing – ne m’appartenant pas, je n’utilise plus que des savons solides – est tombé de son emplacement, répandant son contenu glissant sur le bac humide. En l’examinant de plus près, je me suis aperçu que sa base convexe était un défi à l’équilibre. Pour avoir une maigre chance de le faire tenir, il faut le poser à l’envers, sur son tout petit bouchon. J’ai supputé alors que certains designers n’étaient pas totalement sortis de l’enfance et continuaient à jouer au culbuto. Et à dessiner des bonhommes pommes de terre.