6 juin 2024
La visite hebdomadaire au supermarché n’est pas une corvée pour moi. Nous y allons en couple et ce qui me plaît dans ce rituel n’a rien à voir avec la consommation proprement dite. Mon panier, ou plutôt mon chariot, doit être à peu près similaire d’une semaine à l’autre. Non, j’aime regarder les nouveautés dans les rayons, les soldes d’objets improbables mais ce que je préfère, ce sont les gens. Je suis absolument fasciné par mes compagnons de chalandise. Je les entends, je les regarde passer d’un rayon à l’autre, choisir ou non un produit. Mais le mieux c’est le passage en caisse. Je suis le seul ou cela vous arrive de vous demander pourquoi le vieux monsieur devant vous achète 10 pizzas, 15 packs d’eau et autant de rouleaux de papier toilette ? Je ne peux m’empêcher d’imaginer des histoires, d’échafauder des hypothèses, autant que possible complètement absurdes. « Oui, j’avais remarqué que son Caddie débordait de soupe et de couches confiance mais je ne pouvais pas me douter qu’il avait kidnappé toute une maison de retraite ». Bref, un petit plaisir bien innocent puisque le client en question l’est sans aucun doute et que celui qui me succède en caisse se pose peut-être les mêmes questions à mon propos. « Neuf kilos d’oranges ? Douze bananes ? Il gère un zoo clandestin ou quoi ? » Et puis hier, je suis entré dans une nouvelle dimension sous la forme d’un grand magasin spécialisé dans la puériculture. J’ai déjà fréquenté ce type d’enseigne il y a plusieurs décennies pour mes enfants et voilà que j’y reviens pour la suite de l’histoire. Je glisse sur ma stupéfaction mêlée d’émerveillement devant les linéaires car c’est à nouveau à la caisse que l’histoire s’est nouée. Alors que je sors mon smartphone pour le poser sur le lecteur de carte, la jeune femme qui nous a conseillés sur nos achats me déclare avec un ton enchanté : « Mais vous êtes connecté ! C’est bien ». Elle n’ajoute pas « pour votre âge » mais le pense si fort que ça se lit sur son visage. Le mien s’est éclairé d’un grand sourire. Avec toutes les dents qui me restent.