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Grain de rigueur

Ce n’est pas à moi que cela aurait pu arriver. Mais cela ne m’empêche pas de compatir au désarroi de ces petits génies méchamment humiliés par des machines vaniteuses. Je vous résume. À peine les participants aux Olympiades internationales de mathématiques avaient-ils posé leurs stylos après avoir résolu les six problèmes constituant l’épreuve que les rois de l’intelligence artificielle américains et chinois se sont glorifiés bruyamment d’avoir atteint le niveau de la médaille d’or sans forcer sur leurs neurones logiciels. Ce qui semble avoir jeté un froid parmi les jeunes participants humains, logiquement vexés d’être ainsi renvoyés au rang d’utilités par des géants de la tech inélégants. Si je vous fais part de cette affaire bien loin de mes préoccupations habituelles – et peut-être des vôtres – c’est que j’ai lu cette info dans un journal du soir alors que je revenais d’une expo où il est beaucoup question de géométrie et de mathématiques. À commencer par ce problème dont l’énoncé pourrait être : Soit une exposition permettant pour la première fois en France de voir les œuvres de MC Escher. Combien de visiteurs faut-il accueillir à la Monnaie de Paris pour maximiser les revenus ? Réponse simple et triviale : beaucoup trop. Car les salles de ce musée sont si étroites et petites qu’il faut se contorsionner pour espérer profiter des accrochages, sans parler de la lecture des cartels. À cela s’ajoutent les queues qui se forment devant les éléments de scénographie comme cette pièce tout de miroirs recouverte pour reproduire les perspectives infinies de l’artiste. Ce qui est assez dérangeant quand on a réservé sa place en vue d’éviter ce genre de désagrément. Car je me réjouissais de retrouver les obsessions systématiques de Maurits Cornelis E. Je l’ai découvert dans mon adolescence et ses atmosphères surréalistes autant que sa géométrie absurde m’ont instantanément séduit. Certes, la froide raideur de son trait est telle qu’il est difficile d’y déceler une grande poésie, mais celle-ci se cache dans la magie de ces images hypnotiques. Il m’est impossible de compter le nombre de fois où j’ai essayé maladroitement de reproduire l’illusion de la Maison aux escaliers sur le coin de mes copies plutôt que d’écouter mes profs. Je n’y suis jamais arrivé. Mais ce qui me console c’est de constater que l’IA que j’utilise pour illustrer mes textes n’est pas meilleure dans cet exercice. Sans doute parce qu’il faut ajouter un grain de folie à la rigueur des chiffres, des formules et des formes pour concevoir ces perspectives impossibles. Être humain quoi.