Enfant, j’ai dormi dans un grenier. N’appelez pas la DDASS, le juge ou Mediapart, je ne suis pas en train de vous révéler une jeunesse en enfer. Loin de là. J’ai dormi au faîte d’une belle et ancienne maison bretonne pendant des mois d’août. L’île sur laquelle nous séjournions chaque été me semblait alors essentiellement habitée par les amis de mes parents et les amis de leurs amis. L’un des plus chers était mon parrain qui avec sa femme m’accueillait lorsque mon père et ma mère devaient rentrer à Paris. Leur maison était l’ancien couvent de cette île qui, en dépit de son nom, n’a jamais appartenu ou été habitée par quelque moine que ce soit. Elle était donc grande mais fort occupée pendant la saison et c’est pourquoi on m’avait logé au sommet. Cet endroit était mon territoire avec son ciel de poutres entrelacées, ses équipements de navigation, voiles, rames, cirés et autres gilets de sauvetage, rangés dans les recoins, le tout baignant dans une merveilleuse odeur de bois. La première année, je devais avoir 6 ou 7 ans, l’électricité n’avait pas encore été installée à cet étage et je n’avais pour m’éclairer qu’une lampe-tempête. Je faisais le fier le matin mais les premières nuits furent difficiles. Entre les ombres dansantes des objets entassés, les craquements du bois, le grattement du feuillage sur les ardoises du toit et le cri des chouettes, je n’en menais pas large. Mais pour rien au monde je n’aurais dormi ailleurs que dans ce donjon dans lequel les sons de l’horloge comtoise installée deux étages plus bas me rassuraient inexplicablement. Le bruit du balancier comme les notes qu’elle scandait toutes les demi-heures devaient me raccrocher à la réalité. Comme si ces sons dissolvaient les peurs nocturnes. Très bien, mais pourquoi donc ressusciter ces souvenirs certes bien sympathiques mais lointains ? Parce que nous avons récupéré récemment une pendule après de long mois de réparation. Je crois vous en avoir déjà parlé (vérification faite, oui, c’est ici). Ce chef-d’œuvre d’horlogerie s’emmêlait un peu les engrenages au point de ne pas sonner le bon nombre de coups à l’heure dite. Revenue à sa place et battant au bon rythme, son tic-tac qui n’est plus toc me rappelle mes nuits bretonnes. Cette manière très particulière non pas de rompre, mais de souligner le silence. Contrairement au balancier de mes jeunes années, je ne l’entends pas de ma chambre et c’est mieux ainsi. Quand pour quelque raison que ce soit ma nuit s’interrompt, j’ai pour règle de ne jamais regarder l’heure et ainsi de m’éviter un stress néfaste au ré endormissement. De toute façon je n’ai plus peur la nuit. Le matin en allumant la radio par contre…

Written by
Frédéric Roy
Ancien directeur de la rédaction de CB News disposant de beaucoup de temps après avoir longtemps couru derrière. J'écris tous les jours pour mon plaisir et, autant que possible, pour le vôtre.