Il y a un trait qui me fascine depuis toujours chez les citoyens des États Unis d’Amérique, hormis leur propension à se choisir des dirigeants hautement problématiques, c’est leur façon de se présenter en précisant leur origine géographique. C’est particulièrement flagrant dans les concerts, comme je l’ai constaté hier soir en écoutant un jeune homme originaire de Clarksdale (Mississippi) répondant au nom poétique de Christone « Kingfish » Ingram. Un beau bébé dont les proportions sont telles que, dans ses mains, la Gibson Les Paul dont il joue avec une dextérité délicate, ressemble à un jouet d’enfant. Avec sa voix exceptionnelle, ce garçon a donc, conformément aux usages, présenté son band en précisant à chaque fois les villes et états d’où ils venaient. Il y a quelques semaines, les sœurs Lovell qui forment le groupe Larkin Poe que j’ai eu le plaisir d’écouter, précisaient même que nées à Calhoun (Géorgie), elles habitaient désormais à Nashville (Tennessee). Je ne sais pourquoi, cette manie me touche particulièrement. Peut-être parce qu’elle nous est étrangère à nous, habitants d’une contrée bien plus petite et si fractionnée – en communes, régions et départements – que cela allongerait de plusieurs minutes la cérémonie des présentations. Sans même parler de Paris, Lyon et Marseille et de leurs arrondissements. Mais surtout, il me semble que ce degré de précision ne nous qualifie pas vraiment. Ainsi je suis né à Neuilly sur Seine (Hauts de Seine) ce qui n’a aucune signification sur le plan social puisque, pour une raison que j’ignore, une bonne partie des Parisiens de ma génération voyaient le jour dans cette commune, laquelle, pour ne rien arranger, faisait alors partie du département de la Seine (75). J’ai passé mon enfance à Paris (XIIIème) avant de quitter le nid familial et de m’installer après quelques détours dans les Yvelines (78). Cependant, je crois l’avoir déjà dit, et ça m’est revenu hier alors que la transe du blues me saisissait, j’aurais aussi aimé voir le jour quelque part dans le delta du Mississippi ou à la Nouvelle Orleans (Louisiane). Pour la musique bien sûr, que j’aurais chantée à l’église au cours de ces cérémonies tellement enthousiasmantes qu’elles me feraient presque croire en Dieu. Ce serait beau. Mais j’habiterais dans une démocratie sur le point de s’effondrer. Pas comme ici (France). Pour le moment.

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Frédéric Roy
Ancien directeur de la rédaction de CB News disposant de beaucoup de temps après avoir longtemps couru derrière. J'écris tous les jours pour mon plaisir et, autant que possible, pour le vôtre.