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Tête de son

Quand le matin dans ma glace, je vois une autre personne que moi en train de se raser, c’est un signe indubitable. Non qu’il soit temps d’arrêter de boire des alcools forts en quantité ou de consommer des substances psychotropes légales ou pas, mais d’aller chez le coiffeur. C’est assez curieux mais à partir d’une certaine taille, je trouve que mes cheveux me font ressembler à une personne de mon entourage. Je n’en dirai pas plus car je ne voudrais absolument pas créer le moindre doute sur mon amitié et mon estime pour ce monsieur. Disons seulement qu’il est un peu plus âgé que moi. Le plus étrange c’est qu’il ne me ressemble absolument pas, c’est simplement la forme de sa coiffure qui me fait penser à la mienne lorsqu’elle atteint un certain volume. C’est arrivé hier et j’en ai donc tiré les conséquences en partant vers le centre de ma petite ville. Ce faisant, je suis passé aux abords de la gare dont je vous ai déjà dit mon étonnement face à la profusion de messages sonores d’avertissements, de conseil et d’informations parfois aussi obsolètes que les autocollants Paris 2024 qui subsistent encore ici et là. Je ne manque jamais d’adresser au passage une pensée compatissante aux riverains qui subissent cette litanie d’annonces précédées d’un jingle qui doit finir par hanter leurs nuits. Et comme si cela n’était pas suffisant, l’agence immobilière du quartier qui est remarquable par l’animation saisonnière de son jardinet, a ajouté une dimension sonore à sa mise en scène macabre du moment. Car aux têtes de squelette et autres araignées géantes déjà évoquées dans un précédent texte, s’ajoute désormais un épouvantail de bonne taille dont la tête de citrouille émet à haute fréquence une cascade de rires se voulant démoniaques, comblant ainsi le silence entre les messages lénifiants de la RATP. Tout à ma compassion pour mes concitoyens, j’ai néanmoins poursuivi mon chemin jusqu’à mon salon habituel dont j’ai poussé la porte alors que s’élevait un cri d’effroi. Quelque peu interdit, me demandant si ma nouvelle tête était à ce point affreuse, je fus prestement rassuré par la patronne. Me montrant la décoration de sa vitrine dans laquelle trônait une sorcière empêtrée dans un réseau de filaments blanchâtres, elle m’expliqua que c’était celle-ci qui avait hurlé ainsi. Sur quoi, elle s’empressa de lui couper l’alimentation électrique et par conséquent le sifflet. On n’arrête pas le progrès et je m’en réjouis. Encore que. J’ai entendu à la radio ce matin que la tendance Halloween de l’année était le déguisement des braqueurs du Louvre : un gilet jaune et un passe-montagne noir. C’est moche, de mauvais goût mais au moins, ça ne devrait pas faire de bruit.