Prétendre que je me souviens de cette scène comme si elle s’était déroulée hier serait inexact. D’abord parce qu’elle ne date pas d’hier mais du siècle dernier. Ensuite parce que je ne me souviens d’aucun détail au point que je pourrais douter qu’elle se soit jamais tenue. Pourtant je me suis bien trouvé perché sur le toit d’un immeuble de grande hauteur, dans le Nord ou le nord-ouest parisien pour la présentation d’un nouveau dispositif de publicité lumineuse. On était en plein jour, il faisait assez froid, sensation accentuée par le vent, et l’enseigne en question vantait une marque dont j’ai complètement oublié la nature. Je viens d’apprendre que le président des États Unis d’Amérique s’était récemment vanté d’avoir brillamment passé des tests cognitifs. Je ne suis pas sûr, en dépit des apparences que j’en serai moi-même capable sans tricher. Mais là n’est pas le sujet du jour. Celui-ci tient dans la seule partie nette de cette image floue : c’est ce jour-là que j’ai appris qu’il n’y avait pas de néon dans les tubes qui portent pourtant le nom de ce gaz rare. Je n’entrerai pas dans les détails techniques, laissant sur ce point mon ami Wikipédia – à qui j’en profite pour renouveler ma confiance – vous expliquer que « le tube fluorescent est souvent désigné à tort par l’expression tube au néon, alors que le tube néon est un autre type de lampe à décharge, de couleur rouge, qui n’utilise pas la fluorescence ». Et voilà comment mon cerveau est encombré d’un fatras de connaissances inutiles ce qui est à la fois plaisant et désespérant. Plaisant puisqu’elle me permet de tenir des conversations sans intérêt ou d’écrire des textes qui n’en ont pas beaucoup plus. Et désespérant parce qu’au lieu de me soucier d’un gaz qui n’est pas dans un tube, je ferais mieux d’apprendre à le changer, le tube. C’est pourtant très simple ne manqueront pas de faire remarquer mes lecteurs bricoleurs. Sauf que non seulement il n’y a pas de néon là où l’on croit qu’il y en a, mais qu’il n’y a plus de tubes fluorescents du tout. Ils ont été remplacés par des LED plus économiques en énergie mais pas totalement compatibles avec les anciennes installations sauf à se lancer dans un bricolage hasardeux et potentiellement dangereux. Raison pour laquelle je me suis lancé dans une recherche archéologique électrique qui m’a permis de dénicher une lampe à l’ancienne sur un site très spécialisé. Laquelle me sera envoyée, ai-je appris ce matin, dès qu’on l’aura retrouvée au fond des stocks. Pas grave, j’ai tout mon temps. Celle qui a pété avait une quinzaine d’années. Si la prochaine tient aussi longtemps, ma mémoire aura définitivement grillé quand elle rendra l’âme.

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Frédéric Roy
Ancien directeur de la rédaction de CB News disposant de beaucoup de temps après avoir longtemps couru derrière. J'écris tous les jours pour mon plaisir et, autant que possible, pour le vôtre.