Quand ma cardiologue me demandera demain matin si je vais bien, je lui répondrai : « Très bien merci. Et vous ? » ce qui devrait la faire sourire, comme à chaque fois. On verra si je me trompe mais aucune alerte surlignée de gras ne semble indiquer de problème grave dans mes analyses. Au-delà de la plaisanterie aussi récurrente que douteuse, il est parfaitement exact d’affirmer que je me porte à merveille, tant sur le plan physiologique que moral. Mais vous savez tout cela, aussi ne m’étendrai-je pas. Toutefois, il faut bien reconnaître qu’il arrive que quelques nuages puissent ternir cette impression de beau temps, comme dit la dame de la météo radiophonique. Mon ciel s’est ainsi brusquement assombri hier en apprenant la mort d’un grand publicitaire. Certains d’entre vous le connaissent, il s’appelait Hervé Brossard. J’ai fait sa connaissance dans l’un de ces événements qu’organisait avec faste la profession au siècle précédent. Nous passions plusieurs jours en des lieux paradisiaques à l’occasion de jurys publicitaires. J’y assistais en tant que journaliste, lui comme juré. Avec l’un de mes confrères, nous l’avions surnommé Ken, en référence au compagnon de Barbie tant Hervé avait ce talent pour porter la tenue adaptée à chaque instant de la journée. De la salle de délibération au grand dîner de clôture en passant par le cocktail au bord de la piscine, il avait toujours la mise parfaite du moment jusque dans les derniers détails. Au fil des années j’ai pu faire sa connaissance plus intimement et il m’est apparu que ce surnom était injuste. Car s’il portait beau et que son sourire charmeur éclairait sa gueule d’acteur de ciné, il était bien plus qu’une figurine échappée de Mad Men. C’était avant tout un passionné de pub, de toute la pub et il a d’ailleurs non seulement été un dirigeant respecté de prestigieuses agences internationales mais aussi le président efficace énergique de l’organisation professionnelle du secteur. Mais il était aussi et surtout un fidèle. De CB News et de son fondateur, Christian Blachas avec qui il partageait la passion du foot. Il fut l’un des tout premiers à nous soutenir lorsque nous avons relancé le journal et il ne nous a jamais fait défaut. Toutes qualités que j’ai ressenties douloureusement lors de l’une de nos dernières rencontres, pendant les Cannes Lions dont il n’aurait manqué une édition pour rien au monde. Le mal avait commencé son œuvre et on le voyait en souffrir ce qui ne l’empêchait pas d’être présent, au cœur de ce métier qu’il a toujours aimé, défendu et promu. Il est très rare que je poste une photo de moi avec un disparu du jour. Cela ne correspond pas à ma conception du deuil. Mais pour Hervé, l’image que j’ai publiée hier était une évidence. Celle d’une amitié pudique qui s’est éteinte trop tôt.

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Frédéric Roy
Ancien directeur de la rédaction de CB News disposant de beaucoup de temps après avoir longtemps couru derrière. J'écris tous les jours pour mon plaisir et, autant que possible, pour le vôtre.
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