À quelque chose malheur est bon. Avouez que je ne vous l’avais jamais faite celle-là : commencer un texte par un proverbe. Mais pour finir la semaine, je trouve que ce n’est pas si mal. D’abord parce que j’ai enfin compris le sens de cette sentence qui m’était jusque-là assez obscure, comme la plupart de ses phrases en vieux Français. Ensuite parce que c’est exactement la conclusion à laquelle je suis parvenu au terme de la journée d’hier qui, vous vous en souvenez si vous m’avez lu ce jour-là, avait très mal commencé. En deux mots pour ceux qui n’auraient pas envie de cliquer sur ce lien – ne me remerciez pas, je suis votre serviteur – suite à l’une de ces maladresses majeures dont je suis capable, j’avais mis à bas la connexion internet de mon domicile. Cependant à peine mon édito terminé, le réparateur providentiel se pointait, réglant prestement l’incident. Un jeune homme charmant et compétent qui m’a gentiment absous de mes bêtises, me garantissant qu’il avait vu pire. Mais surtout, ayant compris la raison de ces travaux à l’issue lamentable, il a accepté de les faire à ma place – et donc beaucoup plus proprement — contre rétribution bien entendu. Or c’est justement parce que je n’arrivais pas à trouver d’artisan pour modifier l’installation de la fibre optique que je m’étais résolu à essayer de le faire moi-même. Et voilà comment le proverbe d’ouverture a pris tout son sens. J’aurais aussi pu choisir pour incipit « Aux grands hommes la Patrie reconnaissante ». Ce n’est pas un proverbe mais la devise inscrite sur le fronton du Panthéon où les cendres de Robert Badinter viennent d’être transférées. Je crois avoir déjà dit mon admiration pour celui qui fut mon professeur de droit pénal. Pour son action et pour son œuvre autant que par sa capacité unique à avoir capté l’attention du glandu assis au dixième rang de l’amphi de la fac de Tolbiac. Ses cours magistraux étaient des pièces de théâtre : il tonnait, mimait, expliquait avec une limpidité sans égale les concepts ardus d’une matière qui ne l’est pas moins. Si les smartphones avaient existé à cette époque, les clips de ses cours battraient des records d’audience sur TikTok. Aucun regret que ce ne soit pas le cas, je préfère mes souvenirs. Et la prochaine fois que je passerai devant sa nouvelle demeure au bout de la rue Soufflot, je ne manquerai pas d’aller le saluer, lui qui est le seul de ces grands personnages que j’ai approché un jour. Et qui, même de loin, m’a marqué. À vie.

Written by
Frédéric Roy
Ancien directeur de la rédaction de CB News disposant de beaucoup de temps après avoir longtemps couru derrière. J'écris tous les jours pour mon plaisir et, autant que possible, pour le vôtre.