Skip to content Skip to sidebar Skip to footer

Y croire

48 heures. Ce n’est pas un ultimatum. C’est le temps depuis lequel je tiens. Pas facile mais je m’accroche. Pourtant, je ne m’attends pas à des félicitations mais plutôt à des sourires ironiques. Car l’abstinence que j’observe est assez particulière puisqu’il s’agit d’éviter de croiser les jambes lorsque je m’assois. Contrairement à ce que d’aucuns pourraient imaginer, je n’ai pas décidé de suivre les conseils d’un de ces gourous autoproclamés qui affichent des maximes aussi creuses que prétentieuses sur les réseaux sociaux. Je suis simplement allé consulter mon ostéo historique. Je le qualifie ainsi car, passant un jour à moto devant son cabinet parisien, il m’avait semblé ne plus voir sa plaque sur la façade. Étant tous deux de la même génération, j’en avais conclu sans autre preuve qu’il avait dû prendre une retraite bien méritée. Cela m’avait cependant quelque peu attristé, cet homme m’ayant maintes fois soulagé d’insupportables douleurs. Lesquelles se sont réveillées il y a quelques semaines. Raison pour laquelle je me suis hasardé à taper son nom sur Google et découvrir que non seulement il était encore en pleine activité mais qu’il était aussi sur Doctolib, ce qui, connaissant le personnage, ne relevait pas de l’évidence. Aussitôt je prenais rendez-vous pour le surlendemain – c’est-à-dire hier — et tout aussitôt il m’appelait sur mon portable pour me proposer de le voir le soir même. Quand je vous dis que cet homme est un sauveur. Et c’est ainsi que nous nous sommes retrouvés, une bonne dizaine d’années après notre dernière rencontre. Nous avons pu constater que nous n’avions pas changé, moi toujours en chaussettes rouges, lui toujours aussi habile. C’est une fois la séance terminée, alors que je me rhabillais qu’il me fit la demande de ne point croiser mes jambes pendant au moins 48 heures. Je vous passe les détails et les termes techniques, mais l’une des raisons de mon affection dorsale tient à cette pratique qui me semblait jusque-là innocente. Or le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle ne l’est pas et que s’en débarrasser n’est pas aisé. Sur le canapé en bouquinant, à table après le repas, en jouant de la guitare et encore dans de nombreuses autres occasions, je prends cette néfaste posture. C’est dire que s’en abstenir est presque aussi difficile que de cesser de fumer. Peut-être même plus car le geste est si furtif, si naturel, que l’on ne s’aperçoit pas qu’on le fait. Mais je tiendrai car je ressens les effets bénéfiques de cette abstention. Pour me motiver, je me suis fixé un challenge : pas de jambes croisées avant la nomination d’un gouvernement. Pas gagné mais j’y crois.