Ce que c’est triste ! Il y a un nouveau magasin en ville mais ce n’est pas ça qui est affligeant, au contraire, c’est plutôt une bonne nouvelle. Pour une fois ce n’est pas une agence immobilière mais une supérette bio. Depuis quelques semaines, on pouvait apercevoir les rayons se garnir en vue d’une ouverture à la rentrée. Dire que je suis biophile serait très exagéré. Je pense être plus attentif à la qualité des produits, particulièrement alimentaires, mais je ne fais pas de leur mode de fabrication une condition de mon choix. L’important est que ce soit bon. Bio, c’est bien mais pas crucial. Mais la curiosité étant un défaut que je cultive professionnellement depuis des années, je n’ai pu me retenir d’aller faire un tour parmi ces nouveaux rayons. Je n’avais pourtant pas grand-chose à acheter mais j’étais prêt à consommer mieux s’il y avait matière. Raison pour laquelle j’ai scrupuleusement examiné tous les linéaires dans l’espoir de dénicher quelques saines pépites. Des jus de fruits aux mueslis en passant par les vins, soupes, petits pots pour petit-fils, savons et gélules bienfaisantes, rien ne m’a échappé. Une visite qui n’a pas vraiment réveillé mon instinct de consommateur. D’où l’affliction évoquée plus haut. Du sol au plafond, en passant par les emballages et jusqu’à la tenue de la caissière, tout est marron, beige et terne. Il y a bien ici ou là quelques touches vert pâle, parfois même un peu de bleu, mais rien qui réveille l’œil, qui stimule les papilles et les sens. Je conçois qu’il faille mettre en scène la sobriété en évitant des couleurs pétantes, agressives et certainement nocives, mais on n’est pas non plus obligé de faire grège pour se sentir bio, non ? Le paradoxe de l’affaire est que mon allergie à ces teintes remonte aux années 70 et 80, quand elles incarnaient le chic grand bourgeois. Les salons étaient marrons, comme les costumes en velours, les moquettes étaient beiges et les cravates laides. Or cette époque est précisément celle du règne des boomers abhorrés, ces pollueurs surconsommateurs dont les générations Z et suivantes payent l’inconséquence. Face à cette pâle avalanche, je n’ai déposé dans mon panier en plastique (certainement recyclé dont je vous laisse deviner la couleur) que deux oranges et deux carottes. Leur éclat jurait un peu avec l’ambiance du lieu mais ça m’a remonté le moral.

Written by
Frédéric Roy
Ancien directeur de la rédaction de CB News disposant de beaucoup de temps après avoir longtemps couru derrière. J'écris tous les jours pour mon plaisir et, autant que possible, pour le vôtre.