3 juillet 2025
Jusque-là tout allait bien. J’avais exécuté le programme de la matinée avec perfection. Levé à l’heure juste, j’avais allumé la radio à l’exact moment de la conclusion de l’interview du ministre de la Justice m’évitant ainsi de m’échauffer au son de la langue de bois. Puis la météo m’avait annoncé une belle journée presque frisquette sur la quasi-totalité du territoire. Je me suis cru un instant dans The Truman Show : tant de perfection finissant par être suspecte. Heureusement, s’en est suivi un débat entre experts universels qui ont involontairement semé une petite graine d’énervement au sein de cette belle harmonie. Le sujet du jour s’appuyait sur la canicule finissante pour s’interroger entre autres sur le prix des transports aériens, souvent plus bas que celui du train pourtant plus écologique. La raison de cette distorsion, précisait l’un des débatteurs, tient dans le fait que le kérosène n’est pas taxé et qu’il suffirait qu’il le soit pour affecter le produit de cet impôt au rail. Et c’est précisément à cet instant que ma belle sérénité s’est brisée. Car il se trouve qu’il y a bien des années, j’avais enquêté sur la question pour un magazine aujourd’hui disparu. Et j’avais alors appris que la détaxation résultait d’une convention internationale signée à Chicago en 1944. Pour faire – très — court, alors que la guerre n’était pas terminée et que l’ONU n’existait pas encore, les États avaient jugé urgent d’exempter de taxe sur le carburant, les avions franchissant une frontière. Un moyen d’éviter de s’embêter avec une harmonisation fiscale internationale et d’encourager le transport aérien, vecteur supposé de découverte entre les hommes et donc de paix alors que le massacre du moment n’était pas terminé. Or ce texte est toujours en vigueur, raison pour laquelle, tout avion qui décolle d’un pays et atterrit dans un autre ne paye pas d’impôt sur les tonnes de carburant qu’il consomme. Mais pourquoi m’échauffais-je alors que la température baisse ? Bonne question, je savais que je pouvais compter sur votre perspicacité. Parce qu’entendre dire qu’il « suffirait » de taxer ce pétrole, est un non-sens. Outre le fait que ce dossier occupe l’Union européenne depuis l’époque où elle s’appelait encore CEE, il « suffit » de se souvenir que la principale destination des vols commerciaux internationaux est un pays dirigé par un type qui croit que le mot concertation est une insulte pour comprendre que rien n’est si simple. Quoique. Il suffirait que je pense à autre chose. Comme de découvrir ce matin, après enquête sur internet, que l’étrange cri qui me réveille toutes les nuits est le coassement d’une grenouille rieuse. Qui s’en fout des avions et qui a bien raison.