10 juin 2025
Ainsi donc, la teinte laiteuse de la lumière matinale est le résultat d’un cadeau que nous font nos amis canadiens. Selon les spécialistes que j’entendais sous ma douche matinale, ce sont les fumées issues des très grands feux qui ravagent les forêts du Manitoba et du Saskatchewan, dont je ne me lasse pas de prononcer le nom, qui donne au ciel parisien cette blancheur incertaine. C’est très gentil. D’autant que cette couleur correspond parfaitement à mon état d’esprit au sortir de ce long week-end de flemme. Il me faut bien reconnaître que je n’ai pas mis à profit ce lundi au statut incertain pour avancer quelque projet que ce soit. J’ai certes vérifié que la réparation de ma tondeuse – dont je vous ai narré récemment les aléas — était réussie, mais faute de certitude sur le fait que l’on pouvait ou non importuner le voisinage avec un moteur à piston mal réglé un lundi de Pentecôte, j’ai préféré m’abstenir. J’ai donc partagé mon temps entre la sieste, la musique et la lecture d’un formidable roman de Graham Greene, auteur que je ne connaissais que de nom. Le bouquin s’appelle « Le Ministère de la Peur ». C’est un mélange d’espionnage et de polar qui se déroule pendant le blitz de Londres. C’est riche et complexe, plein de personnages, très british et très plaisant. Et comme j’ai appris dans les Soirées de Paris, le blog de mon ami Philippe Bonnet, que Flammarion avait entrepris la retraduction de l’ensemble de l’œuvre de Greene, laquelle compte une trentaine de bouquins, je me réjouis des heures de lectures qui m’attendent. Un peu comme lorsque j’avais découvert sur le tard John Le Carré. J’aime ce monde de faux-semblants, d’espions qui doutent d’eux-mêmes, de complots autour d’une tasse de thé. Je ferais pourtant un très mauvais agent et pas seulement à cause de mon physique peu discret. J’ai encore pu le vérifier hier avec consternation en découvrant des vidéos de manifestations monstres se déroulant à New York, Chicago, Boston et quelques autres villes américaines. Sans plus y réfléchir, j’en ai conclu qu’il s’agissait d’une réaction à celles de Los Angeles. Un formidable mouvement de protestation semblait se former contre la tentation totalitaire. Du moins était-ce ce que je croyais jusqu’à ce que je m’aperçoive que les images en question dataient d’il y a plusieurs mois. Le contempteur des fake news, le journaliste professionnel sûr de ses sources, le donneur de leçons, s’était donc fait abuser par un montage d’images hors contexte. Pas de quoi être fier de s’être fait enfumer. Par la flemme.